Gardien de la lumière
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Jour de fête.

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Jour de fête. Empty Jour de fête.

Message  Tralin Lun 24 Aoû - 15:45

(Parution initiale le 22 01 2015).

Il faisait froid. Il neigeait. Le vent soufflait et forcissait en tempête faisant encore chuter la température. Quelques congères commençaient à se former.

La nuit était tombée depuis longtemps et le village semblait désert en cette fin de soirée de fête qui allait se clore sur un dîner amélioré et pour quelques riches privilégiés par un bal.

De ci, de là, quelques lumières tremblotantes des feux de cheminées ou des bougies que l'on avait oublié d'éteindre et terminant de se consommer mettaient un peu de clarté.
En se promenant dans les rues du centre-ville on ne voyait que la grande maison bourgeoise brillamment éclairée et décorée. Derrière ses croisées du premier étage, l'on pouvait  apercevoir des ombres se mouvoir dans les pièces et quelques notes de musique provoquées par des instruments que l'on réglaient rompait avec le bruit du vent et le crissement des pas sur la neige qui se durcissait.

A la périphérie du bourg, l'édifice religieux érigé à la gloire de la Lumière semblait contenir toute la vie du village tant les chants étaient entonnés avec vigueur.
Dans le renfoncement de la porte cochère, on pouvait voir une silhouette cherchant à se protéger tant bien que mal du souffle glacé en attendant la fin de l'office, et en espérant qu'en ce jour de liesse ses concitoyens se montreraient un peu généreux.

Enfin, le dernier chant retentit, et les bruits des pas à l'intérieur se firent de plus en plus fort. il se releva difficilement, ôta son chapeau crasseux, le retourna pour servir de sébile. L'huis s'ouvrit et le flot des villageois sorti, sans même un regard ou à peine un bref coup d'œil au couvre-chef agité des spasmes de la main de l'homme grelottant de froid.

Une mère accompagnée de sa fille sortirent en dernier. Elles commencèrent à s'éloigner pour rejoindre au plus vite leur logis, quand la petite fille lâcha la main de sa mère et retourna près de l'homme qui avait remis son chapeau et leur tendit trois petites pièces de cuivre qu'elle déposa dans la main bleuie par le froid, avant de faire demi-tour et courir rejoindre sa mère qui l'appelait.

Pendant quelques secondes l'homme regarda les piécettes, tenta de formuler un "merci" qui ressembla un peu à un grognement tant son visage était gelé. son regard se reporta sur les silhouettes de la mère et la fille...Elles leur ressemblait tant, telles des sœurs jumelles. Il resserra sa main et l'enfoui dans la poche percée de sa houppelande. Une foule de souvenirs avait jailli de sa mémoire. Il tenta de chasser les images de ce passé, en vain. Cette nuit, elles ne voulaient pas repartir dans le tréfonds de son cerveau ou il les avaient relégués.

Il se mit en marche difficilement tant ses muscles était gelés par le froid mordant et se dirigea vers les ruines qui lui servaient de refuge. Il se dirigea vers le coin du mur le plus protégé du vent et commença à construire son abri de fortune composé d'un bric-à-brac d'objets récupérés de toutes sortes pour la nuit.

Enfin, il se glissa à l'intérieur et le referma pour conserver le plus de chaleur possible. Jamais il n'avait eu aussi froid, il ne sentait plus ses pieds et tout son corps était engourdi...seul son cerveau bouillonnait sous l'avalanche des souvenirs que le visage et le geste de la fillette avait ravivé. Ses yeux se fermèrent, le flot se calma, devint cohérent et reprit la chronologie de ses derniers jours de bonheur et de joie.

................................................................

L'homme, un journalier agricole marchait d'un bon pas tant il avait hâte de retrouver les siens après un mois d'absence sur les chemins poussiéreux desservant plusieurs fermes et quelques maisons bâties sur des lopins de terre de taille variée ou poussait légumes et arbres fruitiers. L'homme ralentit l'allure de son déplacement après avoir passé un dernier virage et son regard se porta vers la chaumière située une centaine de mètres plus loin.

Une femme était occupée à cueillir quelques fruits. Près d'elle, une fillette de 8-9 ans était accroupie et ramassait ceux qui était tombés au sol, puis les plaçait dans un petit panier d'osier. Distraite par le bruit des pas sur les graviers bordant la route, elle tourna la tête, se leva et ouvrit grand la bouche, se retourna vers sa mère, puis de nouveau vers l'homme et se mit à courir en criant:


- Papaaaaaaaaaaaaa!!!!!

La femme se tourna également et sous l'effet de la surprise lâcha son panier qui répandit son contenu au sol, et se dirigea vers l'homme qui venait de s'accroupir les bras tendus pour réceptionner sa fille. L'infante se réfugia dans les bras tendus et décolla du sol quand son père se releva et la plaqua sur son torse pour lui déposer un gros baiser sur la joue. L'homme passa son infante sur un de ses bras et referma l'autre sur son épouse qui venait d'arriver. Il restèrent ainsi quelques instant avant de prendre la direction de leur maison.

Les deux journées suivantes se passèrent en scènes banales, en gestes de tous les jours. Le père et la fille avaient ramassés les fruits des arbres, les fraises et les légumes qui étaient mûrs pendant que la femme enchaînait les confitures, compotes et conserves.

C'est après le dîner du second jour que l'homme avait annoncé avoir un contrat pour le lendemain, et qu'ensuite il aurait de nouveau trois jours de chômage avant son prochain engagement.

L'aube n'était pas encore levé que l'homme sorti de son logis, huma l'air frais encore chargé d'humidité et se mit en marche vers la ferme ou il devait œuvrer pour la journée. Il n'aimait pas les patrons pour lesquels il allait travailler, car ceux-ci rudoyaient leurs employés et cherchait toujours une raison pour grappiller quelques pièces d'argent ou de cuivre sous des prétextes aussi vils que mesquins sur la maigre rétribution pour dix à douze heures d'efforts harassants.

L'homme courait et était très inquiet, car depuis qu'il avait emprunté le chemin qui menait à sa demeure, il voyait plusieurs colonnes de fumées qui noircissaient la lumière déclinante du soir. Hors d'haleine il atteignit enfin le virage qui masquait sa chaumière...enfin, ce qui en restait. Le feu achevait de la consumer. Il puisa dans ses dernières forces pour atteindre les ruines de son logis, et après un bref coup d'œil à l'intérieur se dirigea vers le potager. Après avoir passé l'angle de sa maison, il stoppa net en voyant les corps mutilés de sa femme et sa fille. Il poussa un hurlement de bête blessée et fit les derniers pas en titubant. Il ramassa le corps de sa fille et le plaça sur ses deux bras, puis se laissa tomber lourdement sur les genoux près de la tête de sa femme, et la plaça sur ses genoux. Il déposa un baiser sur le front de sa fille et commença a caresser doucement les cheveux de son épouse comme pour apaiser ses souffrances.

C'est dans cette position que des villageois alertés par des personnes venant visiter un de leur proche le retrouvèrent le lendemain matin, toujours berçant lentement son enfant et caressant la chevelure de sa femme. Il les laissa lui prendre les êtres les plus chers qu'il avait au monde le regard animé que par une souffrance insoutenable, sans un mot, sans un geste, sans une réaction.

Ils étaient une dizaine de demeures ce jour là a avoir subit la vindicte d'une bande de maraudeurs, saccageant, pillant tout sur leur passage, violant et tuant, égorgeant le bétail quand il y en avait, pour enfin repartir après avoir mit le feu à l'habitation ou à la ferme. Il était le seul "survivant" de ce massacre...à cause de son absence.

Il s'acquitta des différentes démarches administratives et religieuses mécaniquement, suivi le cortège au cimetière et reçu les condoléances dans une sorte d'indifférence. Il était mort à l'intérieur, seul son corps continuait à vivre.

Commença alors sa longue descente aux enfers, il cessa de travailler, de cultiver son jardin, de prendre soin de sa personne...à quoi bon d'ailleurs, plus rien ne lui importait.

Il avait élu domicile dans les ruines de sa chaumière et se construisit un abri de fortune à l'aide de planches à demi moisies, de vieilles peaux, de paille et de foin, de vêtements usagés trouvés ça et là, et à la décharge municipale. Il passait le plus clair de son temps prostré dans un coin de sa maison, ou de son terrain, et limitait ses activités qu'aux contingences biologiques (manger, boire, dormir...). Il se mit à vivre de rapines diverses et de menus travaux contre un peu de nourriture quand la faim était trop forte et s'obstinait à refuser toute aide matérielle et morale.

Les mois passèrent ainsi lentement. Il avait repoussé dans un coin de son cerveau les souvenirs heureux de sa vie, mais ceux-ci s'obstinaient à revenir à la moindre occasion. Il luttait alors pour les repousser, il les reniait et s'en voulait encore plus de ne pas avoir été présent pour protéger sa famille et la douleur de leur tragique disparition le taraudait encore et toujours, le meurtrissant encore et encore. Il n'avait plus goût à la vie, et depuis ce jour là il attendait la mort, chaque soir il la maudissait de n'être pas venue lui faucher la vie.

..................................................................................

Le flot des derniers souvenirs se termina pour être remplacé par les images de sa rencontre avec son épouse, de leurs rendez-vous en secret, de sa demande en mariage, puis de la cérémonie sacrée. Des images diverses des premiers mois de leur vie commune, de la surprise de la présence un soir dans son assiette de deux chaussons de nourrisson de couleurs différentes alors qu'il rentrait ivre de fatigue à la nuit tombante pour dîner après avoir passé la journée à consolider la clôture de son terrain. Vint la naissance de leur fille et les différentes réjouissances qui la suivirent. Puis, les années passèrent lentement, entrecoupées de ses absences plus ou moins longues suivant les contrats qu'il avait.

Tout à coup, surgie de nulle part, il les vit, sa femme et sa fille, souriantes et auréolées de lumière. Il se leva et s'accroupi comme il en avait l'habitude quand il rentrait chez lui après une longue absence pendant que sa fille courrait vers lui pour se réfugier dans ses bras et lui étreignait le cou aussi fort qu'elle le pouvait en mettant sa tête le long de la sienne. Sa femme qui les rejoignait alors qu'il se relevait et prenait place le long de son flanc droit, son bras lui enlaçant la taille avant de se diriger vers leur chaumière...sauf que cette fois, ils allèrent tous les trois vers une douce lumière dans laquelle ils disparurent.

......................................................................

Quelques jours plus tard, les villageois retrouvèrent le corps de l'homme dans son abri de fortune, le poing toujours serré sur les trois petites de cuivre...
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